Transition politique : comment sortir le Gabon du saupoudrage ?

Transition politique : comment sortir le Gabon du saupoudrage ?

Les hommes politiques en parlent depuis une certaine période. Convaincu que c’est la voie à suivre, pour bâtir un Gabon nouveau. Alors que certains restent encore silencieux, d’autres y voient une utopie et montrent du doigt le mécanisme constitutionnel, notamment l’article 13 de la Loi fondamentale sur la vacance du pouvoir.

Et pourtant, l’idée de la transition, qui est en train d’émerger, n’a rien à voir avec la vacance du pouvoir qui, elle, ne créera en rien la révolution politique, dont notre pays a besoin. Explications…

Durant des années, la classe politique au pouvoir s’est souvent contentée du saupoudrage politique. Quelque chose à l’image des routes trouées de nids-de-poule de plusieurs quartiers de Libreville, où, pour permettre aux véhicules de continuer de circuler, des jeunes bouchent les trous à la suite des autres. La question est : auront-ils rendu la route plus praticable ? De toute évidence, nous répondons par la négative.

Nos sorties de route…

La situation du Gabon, aujourd’hui, a des racines aussi profondes qu’à la construction de notre nation dans les années soixante. Si les bases politiques ont pu être posées, il faut avouer que les schémas d’union nationale, bien qu’issus de consensus entre les diverses formations, montreront, quelques années plus tard, leur fragilité. Notamment en février 1964 avec le coup d’Etat militaire qui échouera par le fait de l’intervention de la France. Ce coup d’Etat va durablement ébranler les fondements politiques du pays avec le tournant que le Gabon prendra au lendemain de la disparition de Léon Mba.

Le 12 mars 1968 ne fut pas un renouveau. Mais il va inaugurer l’ère du saupoudrage politique. Il y eut, l’érection d’un Parti unique, mieux un parti-Etat. La conséquence fut l’interdiction de toute autre forme d’expression. La raison était aussi banale que risible : « le multipartisme était cause de division », a-t-on entendu chanter Albert Bernard Bongo devenu El Hadj Omar Bongo (1973) puis Omar Bongo Ondimba (2004) au fil de ses mutations spirituelles, du catholicisme, à l’Islam, puis au culte des ancêtres plus tard.

En instaurant le monopartisme fondé sur une idéologie débridée, mi-communiste, mi-socio-libérale, Omar bongo argumentait que ce ne serait que par cette option politique qu’il sera possible d’arriver à l’unité nationale et à un développement certain du Gabon. Vingt-trois (23) ans plus tard, le procès du monopartisme a été retentissant. Les Gabonais manifesteront la volonté de passer à autre chose, en brisant les entraves du monopartisme. La liberté d’expression est reprise et concrétisée par la création d’organes de presse indépendants pour les uns et liés aux partis politiques pour d’autres.

Au fil des élections…

A la Conférence nationale, les camps seront divers. Le Parti au pouvoir encore très enraciné avait empêché que les décisions de la conférence fussent souveraines. Les réduisant à de simples recommandations. Aussi, de toutes les résolutions de cette Conférence, Omar Bongo prendra en compte celles qui conforteront son maintien au pouvoir. Deuxième saupoudrage politique après 1968. On a, malheureusement, continué de colmater les brèches que de résoudre, définitivement, le problème.

1993, l’élection présidentielle finit dans la contestation suivie d’émeutes sanglantes. Cette situation conduira aux accords de Paris en août 1994. Le scénario est le même en 1998, puis en 2005 avec les accords d’Arambo. 2009 connaîtra les mêmes soubresauts et 2016 emboîtera le pas. Repartir pour une nouvelle élection présidentielle aboutira à la même rengaine, voire au même cycle. Alors à quoi bon ? A chaque étape, telle une arlésienne, on a vu le pouvoir tendre la main, pour susciter de petites ententes.

La forme l’emportant sur le fond. Et au demeurant, le pays en a payé le prix fort, parce que tous les grands tournants ont été ratés par la volonté d’un pouvoir qui se veut sans partage. Le développement est toujours différé année après année malgré les périodes fastes que nous avons connues à travers une manne pétrolière incommensurable. N’est-il pas alors temps de s’arrêter et de s’orienter vers un schéma qui permette à tous de saisir l’opportunité des lendemains meilleurs ? Avec autant de richesses, le Gabon ne peut-il pas nourrir, décemment, tous ses enfants ?

Une nouvelle offre politique s’impose

En réalité, il est impérieux de mettre en route une nouvelle offre politique qui dépasse les arrangements fondés sur les affinités soit ethniques, soit philosophiques. La situation de marasme, qui peut survenir, frappera aussi bien l’Altogovéen ou le Woleu-Ntemois que l’on est. Une crise plus aggravée aura des effets pervers aussi bien dans l’Ogooué-Maritime que dans la Nyanga ou la Ngounié. Or, l’on observe souvent de petits opportunistes se lever, pour évoquer le repli identitaire, afin de faire croire aux leurs que l’idée qui est véhiculée a pour dessein de leur arracher le pain de la bouche et de les passer au pilori.

A ceux-là, il convient, clairement, de poser la question suivante : est-ce que, au sein de leur communauté, chaque membre baigne dans l’or ? Leconi, Onga, Aboumi… où l’on retrouve des maisons tôles en haut, tôles en bas, ne sont-elles pas des villes du Haut-Ogooué ? A regarder de près, à Avéa, une maman Fang de Medouneu se bat autant qu’une maman Obamba d’Akiéni au Pont d’Akébé, pour vendre quelques boutures de manioc, afin d’envoyer les enfants dans les écoles bondées de Libreville.

Et pourtant, celui qui leur apporte le discours du repli identitaire aligne voitures rutilantes, villas construites à coût de milliards de Fcfa pour chaque épouse, quand il en a plusieurs ; sans parler des enfants qui sont scolarisés soit au Ruban vert ou en Occident dans les systèmes éducatifs les plus performants. C’est pour cette raison que leur discours de repli doit tomber en désuétude.

L’appel pour une transition politique sans heurt qui est lancé depuis une certaine période, porté pour le moment par le Pr Hugues Alexandre Barro Chambrier, économiste de renom, ne devrait avoir ni frontière ethnique, ni frontière politique et encore moins des frontières religieuses ou philosophiques. Car il concerne la République.

Il ne consiste pas non plus à pointer du doigt sur une communauté. Bien au contraire, chaque communauté devrait se sentir concernée par le besoin d’un vivre-ensemble qui satisfasse chacune d’elles. Car, c’est chaque Gabonais qui jouira des retombées d’une réconciliation nationale profonde et du nouveau départ qui en sera le corollaire. Une opportunité unique est en train de poindre, il serait un tort de ne pas la saisir. L’impératif étant de sortir du saupoudrage politique.

Clayrene Obam

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